Pour vivre heureux, vivons cachés

« Le bonheur ça n’est pas grand-chose, Madame… C’est du chagrin qui se repose. Alors il ne faut pas le réveiller, le bonheur… » chantait Léo Ferré.

Oui, le bonheur se doit d’être discret. Car finalement ce qui le menace le plus, c’est la jalousie et la convoitise des autres. « Tu ne convoiteras pas la femme / la vache / la piscine / la bagnole de ton voisin ! » C’est bien l’un des dix commandements, non ?

J’habite depuis peu un trou perdu d’une province toute aussi perdue. Et je suis étonné de constater à quel point certaines personnes sont comme immobiles, plantées dans le paysage. Et tentent de se confondre avec. Aucun risque que ces veaux quittent leur pré carré.

Plus étonnant encore : personne ne vient leur disputer leur petit coin d’herbe grasse. Le temps moyen de « séjour » dans le département d’un étranger est d’une demi-journée (cinq jours au pays des châteaux de la Loire) Tous les vacanciers ne font que passer, en route vers les rivages de l’Atlantique.

Ce petit coin de province est le plus heureux coin de France que je connaisse.

Bien sûr, il n’y a pas une seule table à trois macarons michelin (ni même à deux ou à un) mais on y mange royalement bien. C’est une région de vieille production truffière, que l’on garde pour soi. Aux touristes les « mojettes » (haricots) et le « farci » (pâté d’herbes). On y produit également des fromages de chèvre particulièrement goûteux. Et même s’il n’y a pas d’autres vignes que celles des petits producteurs locaux, le coin n’est vraiment pas loin des rives de la Loire ou de celles de la Gironde.

Les guerres de religion, puis la Révolution et sa guerre civile, ont laissé de profonds sillons ensanglantés entre certains villages, les uns bleus, les autres blancs, certains ont une église, d’autres seulement le temple. Les autochtones y sont naturellement méfiants et j’en ai rencontré une, vraiment farouche, chez laquelle depuis je me cache…

[Ca se passait entre 2001 et 2005 : depuis je suis tombé sur un jaloux qui m’a cassé la baraque. Nous nous sommes séparés. J’ai même écrit un polar dans lequel je tue cette ordure.]