Halte à la croissance

« Halte à la croissance ! » : tel avait été le titre d’un Rapport du Club de Rome en 1973. Ces scientifiques futurologues, réunis pour dénoncer la course effrénée au développement matériel, accompagné de son cortège de pollutions, de famines, de guerre et d’épuisement des ressources, avaient été aussitôt étiquetés néo-malthusiens par les esprits bien-pensants.

Les prédictions de ces Cassandres, reposant sur une modélisation assez fruste du MIT, ne s’étant pas réalisées l’année suivante, leur crédibilité était retombée comme un vieux soufflé. Et pourtant, parce que l’homme détruit un peu plus chaque jour son propre biotope : la Terre, il semble qu’il faille aujourd’hui revenir à ces questions simples : « Pour lutter contre la pauvreté, faut-il vraiment plus de croissance ? La priorité, le préalable au bonheur humain, est-ce vraiment la croissance ? »

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La croissance économique n’est qu’une notion statistique, qui fait la somme des valeurs ajoutées produites et échangées dans l’année par les acteurs économiques, que l’on appelle Produit Intérieur Brut (PIB) et que l’on compare à celui de l’année précédente. Il existe même un PIB mondial, dont les Etats-Unis représentent 25% (Source PNUD).

Le monde crève du modèle de société occidental, productiviste et matérialiste. Dans lequel toute valeur est monétaire. Merdre, suis-je deux fois plus heureux parce que je possède deux voitures ? Et même une seule ? Le bonheur de l’humain passe-t-il par ce signe extérieur de position sociale ? Non, pas le mien.

Le PIB intègre aussi la valeur produite pour dé-polluer. Puisque le capitalisme tend à faire de tous les biens des biens marchands : l’exemple type du bien qui fut gratuit et n’est plus gratuit nulle part est l’eau (qu’il faut traiter de plus en plus, à des coûts de plus en plus prohibitifs), peut-être bientôt l’air, après la mise sur un marché des « permis de polluer ») sans oublier les déchets (1 kilo par personne et par jour d’ordures ménagères en France, 100 millions de tonnes de déchets industriels par an en France également). Si nous continuons à valoriser la connerie humaine, plus la catastrophe climatique approchera, plus vous valoriserons, et plus notre PIB croîtra. C’est de la mécanique économique.

D’aucuns ont mis un mot sur leur pseudo-politique d’aide et appellent cela : « développement durable » traduction de l’anglo-saxon « sustainable development ». C’est une grosse connerie sémantique et une grave erreur politique. Car ceux-là font toujours de l’incantation et de la démagogie. C’est qu’on ne se débarrasse pas de ses manies de vieux politricard comme ça. Dire : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » (Jacques Chirac Sommet de Johannesburg 2002) en parlant de l’avenir climatique de la planète et vouloir une croissance économique de 3% pour soi, il est évident que celui-là n’a pas encore fait son indispensable auto-critique.

Alors quand est-ce que les statisticiens inventeront et calculeront (en plus !) une notion de Bonheur Intérieur Brut? Quand remettrons-nous en avant le principe de l’égalité réelle des hommes (au-delà du formel) et de la non-discrimination, comme les valeurs et les principes directeurs d’une politique de coopération ? Remettre en avant les droits sociaux, culturels, écologiques et accessoirement économiques, comme les principales formes de régulation, ce n’est pas abolir la régulation des marchés. Il ne s’agit pas d’éliminer celle-ci, mais l’objectif commun de l’humanité doit être le respect des droits humains fondamentaux.

Et par rapport à cet objectif universel, il faut bien l’admettre : la dé-croissance est désormais le seul moyen de sauver la planète bleue. Décroissance économique du Nord, rattrapage du Sud, par des transferts de technologie non-polluante massifs et une aide au développement (en l’an 2000, celle-ci est tombée à 20% de ce qu’elle était en 1990. Source Banque Mondiale, soit 0,2% des PIB des pays donateurs) centrée sur l’humain : c’est-à-dire l’éducation et la santé publique.