Paradis de la grosse galette

Au paradis de la grosse galette, le secret bancaire est pénalement protégé: les méchants cafteurs vont en prison! Opacité intégrale ! Contrôle des changes ? De quoi me parlez-vous ? Vous voulez vous constituer en société ? Elle est fictive ? Une société dans laquelle les porteurs de parts restent anonymes ? S’ils le souhaitent… et ils le souhaitent ! Aucun problème.

Plus un accès temps réel, vive l’Internet! à tous les marchés mondiaux? Nous avons une ligne haut-débit satellite pour une connexion 24/24 heures aux grands réseaux bancaires. Plus un nombre de flics suffisant pour assurer la sécurité et la stabilité politique. Et bien sûr une coopération internationale nulle. Zéro. Nada. Rien à craindre. Taxation fiscale ? Forfaitaire et vraiment toute symbolique. Il n’y a pas nécessairement de houris pour ceux qui vont dans ce paradis-là. Mais l’argent permettra encore longtemps d’accrocher à son bras une top-model, ou deux, ou trente, ou plus… Un tantinet vénales, mais qu’importe. Souvenez-vous: vous êtes au paradis.   

Alors soudain la grande finance internationale est prise de panique. Elle ne comprend pas, vraiment pas, qu’un gentil membre du paradis de la grosse galette se soit laissé convaincre par tous ces beaux arguments pour mieux la réduire en pâté, elle, la grande finance, le coeur battant du capitalisme mondial. “Nous sommes si bons” pleurnichent M. Doubleuvé et ses associés. De même qu’elle ne comprend pas qu’il ait pu encore s’enrichir en pariant (parce que c’est ça, la spéculation: du jeu) sur la baisse du cours des grandes compagnies d’assurances. Le délit d’initié est un concept qui m’a toujours bien fait rire. A la Bourse, il n’y a que finalement ça: des initiés! Car pour s’enrichir, il faut forcément avoir l’info que l’autre n’a pas. Ou sinon, il n’y a que des moutons suiveurs. Ce n’est pas le cas…

Tous avant lui s’étaient résignés à leur richesse. Tous ces monarques des pays du Golfe Persique que l’on voyait faire leurs emplettes à Paname ou à Grosse Pomme. Qui déambulaient dans les boutiques chicos, sous leur masque accablé de repus de tout. Et bien il y en a eu un pour s’en écoeurer. Se prendre au jeu de la violence intégrale. S’organiser une petite armée privée.

Mais en la finançant avec quoi?

Avec l’argent de la drogue, celle que consomme les junkies et les ravers occidentaux. Les Américains leur avaient montré comment utiliser l’opium afghan comme arme de guerre contre les Russes. Et les Chinois avaient appris aux GI’s a fumer l’opium vietnamien. Et les Anglais avaient utilisé l’opium indien contre les Chinois. Et les avaient même contraints par la force à ouvrir leur marché. “Nihil novi sub sole” comme disait mon vieux professeur.

Avec aussi les diamants de la guerre. Celle du Sierra Leone et du feu-Zaïre. Des diamants dits de sang, qui échappent au principal acteur du marché, la DeBeers. Des diamants de sang qui sont surtout achetés par des Israéliens. Et qui grâce à eux comme par magie retrouvent leur virginité à Londres ou à Anvers. Pas vu, pas pris. Mais d’ailleurs personne ne contrôle!

Sans compter cette autre source de profit: ses appointements d’agent secret pour le compte de ceux (les Américains) qu’il haïssait le plus. Mais en secret. Se souvenir que les Etats-Unis n’étaient pas à leur coup d’essai en finançant les moujahidins afghans contre les Russes. Que ce sont eux par exemple qui ont armé durant la seconde guerre mondiale la Maffia, notamment sicilienne, contre le mussoliniens. Ils ne peuvent pas ignorer que la thérapie du mal par le mal laisse forcément des séquelles.

Lénine aurait dit un jour que les Occidentaux lui vendrait la corde pour les pendre. En réalité, Illich Oulianov et son successeur Djougachvili étaient de gros malins: ce sont eux qui ont toujours vendu les foyers de la révolution prolétarienne (Berlin et les Spartakistes, Barcelone et les Républicains, Shangaï et les Gardes Rouges, la liste est longue…) pour quelques tonnes de blé et un peu d’influence planétaire, mais dans le rôle du méchant…

Seulement voilà, depuis la chute du mur de Berlin, il y en a un qui a compris sur quelle corruption des coeurs et quelle âpreté au gain reposait notre parfait système. Qui a repris le flambeau de la révolution mondiale et dont la capacité de nuire est loin d’être jugulée: aucune solution sur les paradis fiscaux ne peut venir des Etats, tant ils ont intérêt à ce que la situation actuelle perdure.

Je crois bien qu’Oussama Ben Laden a tout simplement décidé d’assassiner le capitalisme dans ses contradictions.