Le retour des images

Les images montrant l’arrestation et le meurtre en direct de George Floyd ont fait le tour de la planète en passant par les réseaux sociaux, internet, les télévisions. Ces images en ont entraîné d’autres : images de manifestations aux Etats-Unis d’abord, suivies de scènes d’émeutes et de pillages. Ensuite en France où nous avons vu des images de milliers de jeunes manifestant dans les rues des grandes villes pour dénoncer le racisme de la police qu’elle soit française ou américaine. France, Amérique, même combat anti-raciste ?

Les pratiques discriminatoire de la police, ici comme là-bas, ne datent pas d’aujourd’hui même si notre histoire ne ressemble pas à celle des Etats-Unis dans les rapports que les populations dites « blanches » entretiennent avec celles dites « de couleurs ». Ce qui apparaît aujourd’hui comme l’élément déclencheur de la peur et de la colère , ce sont des images d’un flic « blanc » tuant un citoyen « noir ». Pourtant de ces images, il y en a eu d’autres et de semblables, en d’autres époques de l’histoire américaine.

 

 

Alors, comment expliquer l’onde de choc quasi mondiale provoquée par ces images ?

Voici une explication : durant ces deux derniers mois de confinement, nous n’avons eu droit qu’à très peu d’images sinon des images qui montraient des discours, discours de prévention, de mise en garde, de statistiques (celles des morts des suites du COVID), discours qui opposaient les tenants et les opposants de tel ou tel médicament. Très peu d’images à part celles des rues désertes des grandes villes, des hôpitaux encombrés, de quelques malades dans leur lit recouverts de plastique entraperçus au détour d’un plan fugace capté par une caméra furtive.

C’est tout. Pas de quoi mettre les spectateurs en colère, juste de quoi leur faire un peu peur. Avec le meurtre de George Floyd filmé en direct avec un téléphone portable, c’est le retour des images, de la peur et de la colère. Or, nous savons que les images ne prennent sens qu’avec un commentaire, un discours qui les accompagnent.

Quels discours accompagnent ces images ? Celui de Donald Trump menaçant de faire intervenir l’armée pour rétablir l’ordre, celui des anti-racistes. Discours binaires.

Quand sortirons-nous du binaire ? Peut-être en nous interrogeant sur la réalité, le moment où ont été filmées ces images de meurtre, sans remettre en cause la réalité du meurtre. S’interroger sur qui a filmé ces images, ce qu’a fait ou pas l’opérateur face à la scène qu’il filmait, ce qu’il a dit ou pas, ressenti. S’interroger sur les gens qui étaient autour de cette scène, spectateurs, acteurs ? s’interroger sur ce que nous aurions fait, nous face à une pareille scène.

Enfin, s’interroger sur ce qui aurait pu empêcher, police ou pas, la mort d’un homme en direct. Avant de diffuser des images.

Professeur Mottro, 7 juin 2020.