Neuf ans de croisade

Après neuf ans de croisade et 120000 victimes civiles irakiennes, 4500 soldats américains morts, 32000 militaires américains blessés, mille milliards de dollars plus tard, enfin… Enfin, les derniers soldats américains quittent l’Irak. Mais la plaie se refermera-t-elle jamais ? L’Histoire en marche est une belle saloperie…

Du temps de la « guerre froide », l’idée dominante était « Choisis ton camp, camarade ! ». Ce qui empêchait de voir que les salauds étaient bien des deux bords. Aujourd’hui, puisqu’il n’y a plus qu’un seul bord, celui de la dictature libérale occidentale, j’ai comme la désagréable impression, et pour encore longtemps, que les salauds sont tous du même bord.

Après la révolution iranienne de 1979 qui priva les Etats-Unis de l’accès au pétrole persique, la guerre irano-irakienne ne servit pas qu’à faire barrage à l’expansionnisme chiite, mais surtout à permettre aux puissances occidentales de continuer de siphonner le pétrole irakien en échanges d’armes lourdes.

Plus tard, la paix par épuisement des belligérants revenue, l’Irak se sentant flouée se souvint que le Koweït du temps de l’empire ottoman, était rattaché à la wilaya (le département) de Bagdad, et que c’était les Anglais, puissance mandatée par la S.D.N qui en avait arbitrairement découpée en Etat indépendant (et à sa botte, bien sûr). En 1990, Saddam Hussein décida de se dédommager en mettant la main dessus : ce fut la guerre, nécessairement juste puisque menée au nom du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Mais surtout de celui des Occidentaux à puiser sans relâche dans les ressources énergétiques de ces peuples.

Après 1991 et la première guerre du Golfe, Bush père renonça à aller jusqu’au renversement de Saddam Hussein. Ce gars-là était bien pratique comme ennemi des Etats-Unis, juste au moment où le bloc communiste s’effondrait et où Gorbatchev faisait ami-ami avec le monde entier.

Dès lors les républicains conservateurs américains firent de Saddam Hussein leur nouveau Godzilla et placèrent l’Irak sous embargo des Nations unies – maintenu en fait par les avions anglais et américains. Saddam Hussein était devenu leur premier ennemi, celui qui avait osé menacer leurs approvisionnements en pétrole.

Après le 11 septembre 2001, l’administration Bush-fils et toute cette clique de salauds qui relèverait du tribunal pénal international, s’est acharné à fabriquer un ennemi idéologique uniforme mais inexistant dans la réalité : l’alliance entre Al-Qaida et Saddam Hussein. Dès le lendemain du 11-Septembre, le président Bush évoque les « contacts » de Mohammed Atta, chef du commando du 11-Septembre, avec les services secrets irakiens à Prague. Jusqu’à ce 14 février 2003, où devant le Conseil de sécurité de l’ONU, le secrétaire d’Etat américain, Colin Powell, photos aériennes à l’appui, « démontra » l’existence des armes de destruction massive aux mains de Saddam Hussein.

Les Etats-Unis ont eu le choix de faire cette guerre.

Là est peut-être le plus con. Car aucune menace ne pesait sur eux à ce moment-là. Le 11 septembre (3000 morts) apparaissait de plus en plus comme un acte isolé, non renouvelable.

C’est Georges W. Bush qui a lancé son pays dans un conflit irresponsable : le 17 mars, le président Bush envoya un ultimatum à Saddam Hussein et le 20 au soir, après des bombardements massifs, les troupes américaines appuyées de leurs supplétifs anglais entrent en Irak. Nom de code de l’opération : « Iraqi Freedom », (liberté pour l’Irak).

19 jours de guerre et de massacres massifs. Mais jamais l’assassin ne s’est départi de son cynisme, naïveté ou connerie (au choix) Ainsi le président Double-iou avait-il dit sans frémir « Nous sommes bons » dans son discours sur l’état de l’Union, le 29 janvier 2002.

Puis commença l’occupation de l’Irak, puisque tel était le but de cette guerre. Mais aussi la chasse à l’homme, puisque Saddam Hussein s’était enfui. Ce fut le chaos total, la guerre civile et les massacres d’Irakiens chiites contre des Sunnites contre des laïcs contre des religieux : tous contre tous… Aujourd’hui la répartition spatiale de la population irakienne est strictement confessionnelle.

Pendant ce temps l’Afghanistan, qui n’a jamais eu de pétrole, n’est finalement plus un enjeu. Il n’a même jamais représentait qu’une problématique périphérique, en tant que sanctuaire des opposants à l’échange inégal entre pays possédant des ressources pétrolières et leurs clients (et néanmoins maîtres). Et il sera prochainement abandonné à son sort comme l’Irak.

Reprenons maintenant ces évènements sur plus long, voire très long terme.

Depuis les Croisades au Xème siècle et jusqu’à aujourd’hui, la politique internationale occidentale a été dominée par une volonté unique : « échanger » avec l’Orient (avec des guillemets car il s’est toujours agit plus souvent de prédation que de commerce). A l’origine, il fallait aller chercher en Chine de nouvelles techniques (la poudre, la boussole, le papier) tant l’avance scientifique de ce peuple était grande. Et de trafiquer épices, soieries et céladons.

Le monde arabo-musulman constituait un obstacle à ces échanges, qu’il fallut donc affaiblir par tous les moyens. Mais les choses ont vraiment tournées vinaigre au XXème siècle lorsqu’on découvrit de l’énergie fossile et pas chère – pur paradoxe que ces deux derniers qualificatifs à qui refuse de voir la prédation! – dans le sol de ces pays. Oublié l’Orient lointain. Et l’Occident qui les avait asservis, s’arrogea soudain tous les droits sur ces pays, avec la complicité d’oligarchies partout corrompues par lui.

Si vous acceptez ces quelques idées simples, beaucoup de choses tombent sous le sens et vous faites soudain un parallèle entre le royaume latin de Jérusalem et l’Israël moderne, les Hashishins et Al-Qaïda, etc. Car l’Histoire se répète toujours, en bafouillant bien un peu.ourd’hui les troupes américaines quittent l’Irak, demain ce sera au tour de l’Afghanistan. Qu’y gagnent les Irakiens? Aujourd’hui l’Irak exporte environ 2,2 millions de barils de pétrole par jour, rapportant 7 milliards de dollars par mois, mais les services de base comme la distribution d’électricité et l’eau potable sont toujours défectueux, les routes sont impraticables et d’ailleurs personne n’a vraiment envie d’aller voir chez son voisin ce qui s’y passe.

Qu’y gagnent les Américains? Principalement l’inimitié définitive d’un peuple tout entier. Et pour eux-mêmes, le pur déshonneur. Il va falloir du temps avant d’effacer les images d’Abou Graïb, dont le nom a rejoint celui d’Omarska, de Tuol Sleng, de Perm et de tant d’autres endroits qui n’ont jamais été des clubs de vacances.

Et comment oublier aussi les images de massacres de civils, perpétrés par des trouduculs à peine sortis de leurs ghettos urbains, et dont déjà Hollywood s’est emparé dans un esprit de contrition bien-pensant. Heureusement, il nous reste aussi cette image-ci : « Au nom de toutes les victimes et des orphelins… » Une chaussure dans la tronche de Georges W. Bush.

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