Mais qui veut remonter sur le manège ?



Lors d’un de ses longs monologues égocentrés, notre Jupiter au tout petit pied a utilisé l’expression : « enfourcher le tigre » pour inciter les intermittents du spectacle à imaginer des solutions à leur situation catastrophique. Au-delà de l’indécence, on sent bien qu’il voudrait entraîner derrière lui tous les Françaises et Français et les coller à la reconstruction de ce  système libéral qui a failli. Car c’est bien tout un système de gestion de la crise qui a laissé les citoyens de ce pays aussi démunis pendant de longues semaines : démunis en masques, en tests, en respirateurs, en lits de réanimation. Et au-delà de ce dénuement, dû surtout aux coupes dans les budgets de l’hôpital public et de la Santé, c’est la malhonnêteté de nos gestionnaires et les mensonges du gouvernement que l’on retiendra de ce confinement.

Mais ça ne s’arrête pas là. Vous vous souvenez… la question à se poser pour savoir si vous ne seriez pas gouvernés par de grands diseux et petits faiseux, comme disait ma mémé, c’est-à-dire par des démago ? C’est celle-ci : « Ils ne nous prendraient pas pour des cons, là, des fois ? » Quand par exemple monsieur Blanquer argumente à coup de justice sociale et de préservation de l’égalité entre les enfants pour rouvrir les écoles. Alors que la seule raison de l’école ré-ouverte est de permettre aux parents de retourner travailler. Arrêtez de vous raconter des histoires, monsieur Blanquer, vous n’êtes pas ministre de l’Education nationale, mais celui, bien plus stratégique, de la Garderie nationale.

Autre enfumage : demander aux usagers des transports en commun de respecter les gonflants gestes-barrière (je n’irai pas voir sur la ligne treize du métro parisien, à huit heures du matin, mais je pense que les contrôleurs, s’il y en a, vont bien rigoler), ET interdire les restos et les cafés, leurs terrasses et leurs parties de rigolade ? Pourquoi rouvrir le métro, rer et bus, sinon là encore pour permettre à tous les banlieusards de retourner au taff.

Pour ma part, j’ai pleuré au téléphone auprès de mon généraliste pour obtenir un certificat médical de maintien à l’isolement. Que j’ai transmis à mon employeur. Certains appellent ça le « syndrome de la cabane » : je ne veux plus en sortir, de mon abri. En tous cas, pas avant qu’un vaccin ne soit mis sur le marché.

Parce que je les connais, les zozos avec qui je travaille. Lorsqu’il fera trop chaud dans les bureaux, ils vont mettre la clim’ à donf, s’enrhumer et partager toutes les saloperies qu’ils se seront échangés la veille, lors du barbecue géant organisé pour teuffer le lien social retrouvé. Rien à foutre des autres !

Le confinement n’a absolument pas éradiqué l’épidémie. Juste un peu ralentie. Et elle va si vite qu’en Allemagne la bonne élève, par exemple, la seconde vague est déjà là… Les médias ne l’ont pas publiée ou alors l’info – la seule véritable information intéressante car vitale – est passée inaperçue dans leur flux continu de connerie balancé à longueur de journée : une personne contaminée sur deux est asymptomatique (source : étude du ministère de la santé islandais sur la totalité de la population de l’île). Contaminée sans symptôme apparent signifie puissamment contaminante. On transmet le virus sans même s’en rendre compte.

En fait il ne s’agit pas « d’enfourcher le tigre », Juju. Dis plutôt que tu veux nous faire « remonter sur le manège ». Celui qui allait déjà trop vite avant et dont nous sommes tombés tous ensemble le 17 mars. Alors pourquoi y retourner ? Pour re-travailler ? Pour re-consommer frénétiquement ? Pour l’acheter enfin, cette grosse bagnole qui me nargue à la télé depuis deux mois ?

Mais je n’en ai rien à foutre… Au contraire, si toutes les industries polluantes pouvaient se casser la gueule à l’occasion de cette crise. Parce qu’à moi, il me manque déjà ce confinement, son temps lent, ses siestes, ses pauses de méditation. Parce que j’ai redécouvert que j’avais une vie intérieure. Et peut-être aussi parce que je crois que le monde d’après a très peu de chance d’être meilleur que le monde d’avant. Mais bien plus d’être le même, en pire.