Condamnation-éviction : effets en cascade

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La condamnation-éviction de Marine Le Pen du jeu politique français marque-t-elle le début du déclin de l’extrême-droite populiste en France ?

Aujourd’hui, Marine regrette de ne pas avoir appelé au téléphone François Bayrou pour que celui-ci lui explique comment faire pour échapper à une condamnation de justice Il peut être « troublé », François Bayrou… Car, faut-il le rappeler, il a lui-même été mis en examen puis relaxé (par manque de preuves, pas parce qu’il était innocent) dans une affaire très similaire d’assistants parlementaires européens dévoyés.

Mais en parlant de déclin, le Conotron serait-il soudain devenu optimiste ? Pas plus que d’habitude. Seulement ce qui vient de se passer – et qui aurait pu/du se passer dans le cas de Trumpytler aux Etats-Unis si la justice américaine avait été plus diligente, et le monde entier s’en porterait bien mieux – est particulièrement riche d’effets en cascade.

Toute l’offre politique sur la totalité de l’hémicycle français est aujourd’hui perturbée.

Le Rassemblement National qui prêchait que les élites politiques françaises étaient corrompues, est lui-même pris la main dans le sac par la justice. Cela ne détachera du RN que des sympathisants mollassons. Lesquels vont basculer ou rester sur l’offre de la droite traditionnelle dure d’un Retailleau, dont le programme anti-immigration est déjà celui du RN. Pour les électeurs de coeur du RN, ce « tous pourris » là n’aura que peu d’impact.

En revanche, même si seule Marine est inéligible du fait d’une décision de justice, toute l’équipe dirigeante est condamnée, y compris Jordan Bardella. Peut-il être raisonnablement candidat à une élection présidentielle tout en traînant cette casserole-là au cul ?

Et si le RN, qui a énormément personnalisé son pouvoir, d’abord Marine et sa dédiabolisation, puis Bardella après la dissolution de 2024, va-t-il chercher à propulser un troisième candidat ? Marion Maréchal, la « véritable » héritière de Jean-Marie ? Cyril Hanouna qui s’est manifesté – mais les identitaires iront-ils voter pour un candidat juif tunisien même s’il est fasciste ? Ce troisième candidat risque surtout d’émerger dans le sang.

Le risque d’éclatement de l’offre politique à l’extrême droite n’a jamais été aussi fort depuis la dissidence mégretiste de 1998. Et le Conotron espère vraiment qu’une sordide et longue et douloureuse nuit des longs couteaux ait lieu parmi ce ramassis d’ennemis de la démocratie.

En décembre 2024, juste après le réquisitoire exigeant cinq ans d’inéligibilité sans effet suspensif en cas d’appel, le gouvernement Barnier avait été renversé parce que Marine Le Pen avait légèrement sur-réagi. Je ne serai pas étonné que le temps ne se gâte à nouveau entre le Palais Bourbon et Matignon. Perdue pour perdue. Chez les Le Pen, cela s’appelle un « baroud d’honneur ». Et il pourrait bien ne pas y avoir de nouveau gouvernement de compromis ensuite. Possiblement une élection présidentielle avant l’été…

Une autre des conséquences majeures de cette recomposition de l’offre est la fin de la martingale inaugurée par Jacques Chirac à la présidentielle de 2002, utilisée deux fois par Emmanuel Macron, deux fois mal élu. C’est-à-dire par défaut, un vote « contre » le RN et non « pour » le libéralisme débridé  qu’il impose à la France depuis huit ans.

Jean-Luc Mélenchon se rêvait en rassembleur de toutes les gauches contre une candidate d’extrême-droite. Mais aussi un Edouard Philippe en candidat rassembleur de toutes les droites. Mais aussi etc.

Seulement, voilà : fi-nie ! en-vo-lée, la belle combinazione ! La prochaine élection présidentielle se fera à la loyale. Mais sans doute aussi à la roulette. Car l’offre sera diablement fractionnée, aussi bien à droite qu’à gauche.

Et ce n’est pas plus mal.