Ernest-Antoine Seillière (2003)

ernestMonsieur le baron est un con …

Pour avoir dit: “Merci, Monsieur le Premier Ministre d’avoir sifflé la fin de la récréation.” au congrès 2003 du Medef, pour penser que “la France qui freine” c’est celle des fonctionnaires et non celle des maîtres de forge, parce que sa réforme du régime indemnitaire des intermittents du spectacle évincera plus d’un tiers des cotisants-bénéficiaires actuels, parce qu’en tant qu’intermittent au conseil d’administration de De Wendel Investissement, il a encaissé en 2002 1.37 million d’euros, pour avoir plus que largement contribué au torpillage d’AOM, pour proner une réforme des retraites par rallongement des durées de travail qui détruira à coup sûr la répartition, pour avoir parlé de “la République des cadeaux” à propos du Rmi et des emplois-jeunes…

Le baron Ernest-Antoine Seillère de Laborde est notre homme de l’année.

Famille: Né le 20 décembre 1937 à Neuilly, il est le petit-neveu et l’héritier de François de Wendel, archéo-capitaliste des premiers âges de l’industrie (maître des forges d’Hayange en Lorraine) et président du Comité des Forges. À peine sorti de Sciences po’, le baron devient chef de cabinet de Christian Fouchet (haut-commissaire en Algérie, puis ministre de l’Information) que son papa tutoyait. Puis il entre à l’ENA (promotion ” Stendhal “, 1965) que fréquente également un gars de l’O.C.I, Lionel Jospin: ils jouent avec lui dans le même orchestre de jazz.

Puis pendant trois ans, il est conseiller aux Affaires étrangères. Il entre ensuite au cabinet de Jacques Chaban-Delmas comme chargé de mission (1969-72). Il y fait la connaissance de Jacques Delors. Le baron se marie en 1971 avec la fille d’un banquier suisse. Il reste à Matignon lorsque Pierre Messmer y arrive, puis rejoint le cabinet de Maurice Schumann aux Affaires étrangères (1972-73) enfin celui de Robert Galley aux Armées (1973-74).
Argent: Mais, en 1976, le baron quitte tout ça, les cabinets ministériels, ses amis gaullistes et socialistes, et prend une année de réflexion à Harvard University. Au retour, il s’adonne aux affaires familiales qu’il reprend en main. C’est l’époque de la liquidation de la sidérurgie et du développement spectaculaire de la holding familiale, la CGIP, à partir de nouvelles activités et de placements financiers: fallait-il vraiment être clairvoyant pour miser, en 1982, quelque 250 millions de francs dans une petite société grenobloise d’informatique: Cap Gemini Sogeti en ces années de défi américain? Ou ne fallait-il pas être seulement riche?

À l’issue d’une restructuration musclée, le groupe est coté en bourse à plus de 8 milliards de francs, il gère plus de 20 milliards de francs d’actifs et a réalisé 1,3 milliards de francs de bénéfices en 1996. Il contrôle 34 % du bureau d’expertise et certification Veritas, 20 % du groupe informatique Cap Gemini (fusionné avec Ernst&Young) 8 % de l’emballeur Crown Cork & Sea, 20 % de l’équipementier Valeo, 33 % de Bio-Mérieux, etc. La CGIP est détenue à 50,1 % par la famille Wendel regroupée au sein de Marine Wendel, elle-même organisée en deux sociétés distinctes : Sogeval (présidée par le comte Louis-Amédée de Moustier) et Lorraine de participations sidérurgiques (présidée par le comte Hubert Leclerc de Hautecloque).
La valeur de ses participations a été multipliée par 36 depuis son arrivée aux commandes, en 1977. Y compris pendant qu’il dormait. «Nous avons fait 20% de mieux que la Bourse», précise le baron. Mais il y a la tâche Air Lib lorsque le baron s’est transformé en allié financier de Swissair, pour fédérer les compagnies déficitaires AOM, Air Liberté et Air Littoral. La législation empêchant un groupe étranger de contrôler une compagnie aérienne de l’Union européenne, Swissair avait besoin d’un paravent français qui prenne 50,01% des parts. Le baron a accepté le deal, très avantageux: il est majoritaire et croit  laisser le rôle ingrat de chirurgien aux Helvètes. Mais il n’est jamais sorti du gouffre. La fusion n’a jamais été là. Il a du se désaissir de ses parts avant de taper dans le mur. Autre bide: la boucle locale radio, avec une prise de participation dans le canadien Fortel.

En décembre 1997, Seillière est élu président du CNPF (transformé en Medef en octobre 1998), après la démission spectaculaire de Jean Gandois en raison des 35 heures. Mais cinq ans plus tard, sa “refondation sociale”, qui se résume à s’entendre avec un syndicat -la CFDT- pas avec les syndicats, pour agir en dehors du cadre étatique (les doux réveurs…), cette refondation n’es tque du tatcherisme déguisé. Une belle réussite financière, celle des patrons entre eux, mais un vrai bide social: trois millions de chômeurs, délocalisations et pas de baisse d’impôts ni de charges. La refondation sociale n’est qu’un rideau de fumée cachant une stratégie beaucoup plus dure: le maintien de la situation actuelle dans les entreprises, où c’est le patronat qui décide; et le rapport de force avec l’Etat, tout à l’avantage du patronat, pour les grandes décisions nationales, comme les retraites, la sécurité sociale, ou l’indemnisation du chômage, confer celle des intermittents.

Dieu: Le baron Seillière fut longtemps membre du groupe de Bildenberg, il honore de sa présence les dîners du Siècle et adhère à de nombreux clubs dont celui d’Ambroise Roux. Mais surtout, toute sa famille est historiquement liée à l’Opus Dei.

La comtesse Thérèse de Moustier est secrétaire de l’Association Présence du cardinal Mindszenty, une organisation satellite de l’Opus et animée par les Chevaliers de Notre-Dame. La comtesse Thérèse Leclerc de Hauteclocque, récemment décédée, était la caution de l’association de financement de l’église romaine dédiée à Mgr de Balaguer. Le baron Seillière lui-même anime, avec d’autres grands patrons catholiques opusiens ou conservateurs (François Michelin, Jacques Calvet, etc.), un lobby qui pousse une législation favorable au développement de la Bourse et à la financiarisation de l’économie.

Il a ses entrées au Vatican, assistant même, en 1995, en tête à tête avec Jean-Paul II, à la messe du pape dans sa chapelle privée. Lors de son discours d’investiture à la présidence du CNPF, le 16 décembre 1997, le baron Seillière a chaudement remercié les deux personnalités qui ont favorisé son élection : le chiraquien François Pinault et un autre opusien mais bien plus triste sire, Claude Bébéar.

A la boîte, il a créé une salle de méditation où chacun peut venir se recueillir. En fait, une chapelle.