11 Novembre 1918 – Commémoration

Dans « Voyage au bout de la nuit », Louis-Ferdinand Céline raconte l’histoire de Bardamu, comment après avoir vécu la boucheries des combats de 1914 à 1917, il tente d’échapper au front. Réfugié dans une espèce d’asile psychiatrique, il rencontre le professeur Princhard, historien, qui a volé des boîtes de conserve dans son régiment et tente de se faire passer pour « fou » afin d’échapper au peloton d’exécution. Car, en ce temps-là, la gendarmerie française fusillait tous les récalcitrants à aller se faire trouer la peau et balancer du pruneau à de jeunes soldats allemands qui ne voulaient pas plus la guerre que les jeunes Français.

Voici la fin du discours « anti-guerre » de Princhard. (page 70, édition Folio Plus, Gallimard).

« Les hommes qui ne veulent ni en découdre, ni assassiner personne, les Pacifiques puants, qu’on s’en empare et qu’on les écartèle ! Et les trucide aussi de treize façons et bien fadées ! Qu’on leur arrache pour leur apprendre à vivre les tripes du corps d’abord, les yeux des orbites, et les années de leur sale vie baveuse ! qu’on les fasse par légions et légions encore, crever, tourner en mirliton, saigner, fumer dans les acides, et tout ça pour que la Patrie en devienne plus aimée, plus joyeuse et plus douce ! Et s’il y en a là-dedans des immondes qui se refusent à comprendre ces choses sublimes, ils n’ont qu’à aller s’enterrer tout de suite avec les autres, pas tout à fait cependant, mais au fin bout du cimetière, sous l’épitaphe infamante des lâches sans idéal, car ils auront perdu, ces ignobles, le droit magnifique à un petit bout d’ombre du monument adjudicataire et communal élevé pour les morts convenables dans l’allée du centre, et puis aussi perdu le droit de recueillir un peu l’écho du Ministre qui viendra ce dimanche encore uriner chez le Préfet et frémir de la gueule au-dessus des tombes après le déjeuner… »

Si Céline est devenu infréquentable, ce n’est pas tant pour son antisémitisme car, à l’époque, il y avait des milliers, voire des millions de Français encore plus infréquentables et certainement moins talentueux que le docteur Destouches qui, rappelons-le, soignait gratuitement les pauvres. C’est parce que l’écrivain Céline a tendu à la France militariste et va-t-en guerre, à la France bourgeoise et mesquine, à la France des puissants, un miroir qu’ils ne voulaient pas voir.

Professeur Mottro, 11 novembre 2020.