Boucherie héroïque – Notes de lecture (suite)

( « l’Aventure » par Lucien Bodard, édition Gallimard, 1967, collection Documents, l’Air du temps).

2024 : sur tous les plateaux des chaînes de télévision qui diffusent des informations en continu, les présentateur(trices)- journalistes, spécialistes, militaires aniens chefs d’état-major, anciens ministres et diplomates nous parlent de la guerre que la Russie de Poutine conduit depuis bientôt trois ans contre l’Ukraine de Zélensky. Kiev est à , environ, 3500 kilomètres de Paris. On peut s’y rendre par la route, en
voiture, en bus ou camion, c’est selon…
Combien de temps encore durera cette guerre coloniale déclenchée par Poutine ?
Combien de temps vivrons-nous en paix à Paris ?

1951. Le général de Lattre de Tassigny gouverne et mène sa guerre en Indochine depuis moins d’un an. Il entretient autour de lui « le petit monde de la presse » qui reçoit ses lois et les accepte. Bodard rapporte les propos suivants. C’est le roi Jean qui parle ( page 559) :
« Plus ce qu’ils racontent est faux, plus cela doit faire vrai. Alors je veux qu’ils aient le spectacle. Qu’on les mène aux premières loges. Je veux qu’ils entendent siffler les balles mais sans qu’aucun d’eux soit blessé. »

Voici, plus loin dans le récit, sur la même page, « le spectacle » que décrit Bodard qui participe, avec les autres journalistes, à une « visite » , sur le terrain :
« Tout est à point. Tout est beau, même l’horreur. L’apothéose, ce sont les fastes de la mort glorieuse. C’est la revue à chaud, parmi les cadavres à peine refroidi sur le champ de bataille, celui de la victoire vraie ou fausse. Il n’y a plus de viande, sauf celle des Viets, coolies ou réguliers, aux membres épars, incrustés de boue, débris de vaincus qui ont à peine été des hommes, des combattants , rien qu’un peu de la plèbe jaune, cet anonymat.
Mais les morts du corps expéditionnaire, eux, ont rempli magnifiquement, volontairement leur destin de soldats à tuer et tués. Il ne s’agit pas de sacrifice, c’est plus que cela : l’idéal du devoir, la grande tradition.
Comme de Lattre sait mettre cela en valeur ! Honneur aux tombés, mais leur sort a été le plus beau. C’est l’héroïsme accompli, délibérément choisi : le martyre du prêtre et le sang du soldat, ce sont les deux grandes valeurs de la civilisation chrétienne selon de Lattre. Rien de commun avec le mysticisme des masses asiatiques, du fabriqué, de l’automatisme sans âme, sans choix, finalement la boucherie et l’abattoir, le monde des insectes ».
D’après Lucien Bodard, la guerre que mène de Lattre en Indochine est une croisade : « Avec lui (de Lattre) tout est croisade, partout » (page 584)

Effectivement, dans « Histoire du Vietnam » par André Masson, P.U.F. éditions « Que sais-je ? », 1960, on peut lire que la politque de conquête de la France en Extrême-Orient , après le traité de Nankin avec la Chine en 1842, ayant pour objectif la protection des comptoirs commerciaux, et la convention de Wham Poa, signée le 24 octobre 1844, vise à protéger les missions catholiques.
« Cette politique répondait à un mouvement de l’opinion catholique en France qui rêvait à renouveler la tradition des croisades. Soucieux de se ménager l’appui du parti catholique, Napoléon III (le père du bagne…) se fit le champion de ces idées en Extrême-Orient et chercha en même temps à étendre le champ du commerce extérieur de la France »( page 76). (c’est moi qui souligne)

La guerre que mène Poutine contre l’Ukraine n’est-elle pas, en plus d’une guerre économique, une croisade, de la Russie traditionnelle contre l’Occident décadent ?
C’est long, une croisade.