Vers la guerre ?

Trois types d’objets trouvés ayant appartenu à un homme, vieux militaire, méritent l’attention, pour mémoire.

Le premier est constitué par une dizaine de décorations dont : la Croix du Combattant en Indochine, la Légion d’Honneur, scotchées maladroitement sur un carton recouvert d’un film plastique translucide. Comme pour les oublier. Les rubans sont agrafés, à moitié déchirés et les médailles sont fixées à l’aide d’une pâte collante qui en a altéré définitivement tout éclat métallique ou cuivré.

 

Le second est un ensemble d’une vingtaine de livres sur la guerre d’Indochine, ou davantage. En tous cas, ils remplissent largement la bibliothèque de notre vieux militaire qui, peut-être les lisait et relisait sans arrêt. Comme une obsession ou un traumatisme.

Le troisième, ce sont huit pistolets qui imitent plus ou moins fidèlement ceux qu’on utilisait à la guerre. Seul l’un d’entre eux a pu fonctionner un temps mais juste pour servir à tirer de petits plombs sur des cibles en carton. C’était comme pour jouer à la guerre ou la conjurer.

Autrefois, le vieux militaire disait : « il n’y a rien de pire que la guerre ». Une fois, il ajouta cette sentence qui l’avait marquée car elle provenait de la bouche d’un aumônier militaire : « La guerre est la pire des putains. »

Maintenant, dans sa maison de retraite, immobilisé dans son fauteuil roulant, le vieux répète sans cesse à qui veut l’entendre : « qu’est- ce que tu veux que je te dise ? ». Puis il reste mutique. Sans doute qu’il n’a plus rien à dire ou qu’il n’y a plus rien à dire.

En vérité, seuls ceux qui n’ont jamais fait la guerre ne cessent d’en parler, à la télé d’où ils peuvent se faire entendre par des gens confortablement assis dans leur canapé.